Le statut du français à l’école

Un peu d’histoire

Dès la mise en place du système d'éducation de l'Ontario à partir du milieu du 19e siècle, un principe de base est établi concernant l'éducation en français : la langue française ne bénéficie d'aucun statut officiel, mais les autorités en place la tolèrent dans les écoles fréquentées par les francophones. Bon nombre de ces écoles sont fondées par des communautés religieuses. Les enseignantes et les enseignants arrivent pour la plupart du Québec et enseignent en français, en utilisant souvent des livres du Québec.

Toutefois, le gouvernement de l'Ontario adopte, à partir de 1885, diverses mesures législatives visant à rendre plus difficile l'accès à l'éducation en français. L’anglais devient en 1890, la langue d’enseignement dans les écoles ontariennes, sauf dans celles où, de l'avis du Ministre, les élèves ne le comprennent pas. Les écoles françaises se transforment alors en écoles « bilingues ».

manifestation ecoliers brebeuf fevrier 1916Au cours des années qui suivent, le gouvernement prend d’autres mesures pour limiter l’enseignement en français à l’école, sans beaucoup de succès. En 1912, il promulgue donc le Règlement XVII qui exige qu'à partir de la deuxième année du primaire, l'enseignement en français soit limité à une heure par jour et que, dès son entrée à l'école, l'élève se mette à l'étude et à la pratique de la langue
anglaise.

Ce Règlement engendre une résistance farouche dans la communauté franco-ontarienne; des enseignantes et des enseignants continuent d'enseigner en français en le cachant aux autorités scolaires. Le Règlement XVII est finalement abrogé en 1927. À partir de cette date, on tolère à nouveau l'enseignement en français dans les écoles de l'Ontario, mais sans donner au français un statut légal.

Pour en savoir plus sur le Règlement XVII, consultez l’exposition virtuelle du Centre de recherche en civilisation canadienne-française.

La lutte pour la reconnaissance des écoles françaises

Si, à partir de 1927, les élèves franco-ontariens ont accès à des écoles élémentaires où le français est la principale langue d’enseignement, ce n’est pas le cas au secondaire. Les élèves francophones ont alors deux choix : fréquenter une institution privée catholique et payer des frais de scolarité après la 10e année puisque le gouvernement refuse de subventionner ces écoles au-delà de cette année, ou alors, fréquenter un «high school » public de langue anglaise, où ne s’enseignent en français que le français, et quelques autres matières, à la discrétion des conseils scolaires locaux.

Il faut attendre le milieu des années 1960 avant de voir de timides réformes relativement à l'enseignement en français au secondaire. Dans le contexte de la crise de l’unité canadienne de cette époque, la communauté franco-ontarienne revendique de plus en plus fort le droit à l’éducation entièrement financée par les fonds publics au secondaire.

De son côté, le premier ministre de l’Ontario, John P. Robarts, estime que certaines concessions accordées à la minorité francophone de l’Ontario en matière scolaire pourraient servir la cause de l’unité nationale. Pour lui, la création d’écoles secondaires de langue française constitue un « investissement minimal » pour l’avenir de la Fédération canadienne.

Avec l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO), l’AEFO participe activement au débat. En 1964, elle intervient vigoureusement auprès du ministère de l’Éducation pour défendre une enseignante du secondaire qui s’est fait rabrouer pour avoir enseigné un cours d’histoire en français. Après un échange épistolaire musclé, le Ministère autorise éventuellement l’enseignement de l’histoire et de quelques autres matières en français. Il s’agit pour l’AEFO d’une victoire qui ouvre la voie à la reconnaissance officielle des écoles de langue française

Enfin, un statut officiel

resolution aefo 1965Dans les années 1960, langue et foi catholique sont indissociables dans les écoles de langue française.

Comme presque toutes les écoles de langue française au palier élémentaire sont catholiques (ou « séparées » comme on les appelle alors), il va de soi que les leaders de la communauté franco-ontarienne réclament des écoles catholiques de langue française au secondaire. L’AEFO adopte d’ailleurs une résolution (lien 5.2.3) en ce sens lors de son congrès de 1965.

Toutefois, les dirigeantes et dirigeants de l’AEFO doivent se montrer pragmatiques. Il est hautement improbable que le gouvernement de l’époque accepte l’idée d’une école secondaire confessionnelle, alors que l’opinion publique ontarienne demeure hostile à subventionner les écoles secondaires catholiques peu importe la langue d’enseignement. L’AEFO se résigne donc à l’idée d’une école secondaire publique, mais réclame que celle-ci soit assortie de garanties concernant l’enseignement religieux. 

ecole secondaire macdonald cartierEn 1968, avec l’adoption des projets de loi 140 et 141, le gouvernement provincial légalise enfin l'enseignement en français tant à l'élémentaire qu’au secondaire et permet la création d’écoles secondaires de langue française. Cette reconnaissance vient couronner 28 années d’efforts de la part de l’AEFO pour rehausser le statut de l’école de langue française, professionnaliser le personnel enseignant et développer des programmes et des manuels mieux adaptés aux besoins des élèves franco-ontariens.

Pour en savoir plus sur le rôle de l’AEFO pour professionnaliser le personnel enseignant et développer du matériel pédagogique adapté au milieu franco-ontarien, consultez la section Pédagogie.

La lutte se poursuit

Si l’ouverture des premières écoles secondaires de langue française est saluée comme une grande victoire, la lutte est loin d’être terminée. Bientôt de nombreux conflits éclatent dans les communautés où les conseils scolaires refusent de créer des écoles de langue française. Il faudra attendre 1979 avant que la loi n’oblige les conseils scolaires à créer de telles écoles « là où le nombre le justifie » et que le ministère de l’Éducation ne fasse du français une matière obligatoire dans les écoles de langue française.