Une vision en évolution
Langue, foi et histoire : trois piliers indissociables
Dans les années 1940 et 1950, les classes dirigeantes de la société franco-ontarienne, tout autant que l’AEFO, estiment que l’école joue un rôle primordial dans la transmission d’un héritage fondé sur la foi catholique, la langue française et l’histoire. La perte du français croit-on mènerait à la conversion au protestantisme. L’enseignement de l’histoire sert à inculquer à la jeunesse un patriotisme qui repose sur la singularité de l’expérience historique canadienne-française liée à l’œuvre évangélisatrice du catholicisme sur le continent nord-américain.
Le bilinguisme : une valeur sûre
Dès les années 1950, l’AEFO se préoccupe de la réussite des élèves et de leur insertion sur le marché du travail. Elle considère l’éducation comme le meilleur remède à la marginalisation économique des francophones.
Le pire scénario pour l’AEFO est que les Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens constituent une ethclass, c’est-à-dire un groupe ethnique sous-scolarisé qui se cantonne dans des emplois sous-qualifiés et sous-rémunérés.
Dans cette optique, l’AEFO défend l’idée que l’acquisition du bilinguisme demeure la clé de la réussite. Elle rappelle sans cesse que l’« école bilingue » vise à former des « travailleuses et travailleurs bilingues » pour occuper des « emplois bilingues ».
Les instances de l’AEFO participent régulièrement à la reformulation des programmes d’études pour qu’ils soient mieux arrimés au marché de l’emploi. En 1951, par exemple, l’AEFO propose qu’une école bilingue des arts et métiers soit créée à Cornwall pour préparer les élèves franco-ontariens au travail dans les usines.
L’affirmation du caractère français des écoles
À la fin des années 1960, avec la création des premières écoles secondaires publiques de langue française, l’AEFO affirme avec vigueur le caractère français des écoles, sans pour autant négliger l’enseignement de la langue seconde. Encore aujourd’hui, l’une des particularités de la mission éducative des écoles de langue française en Ontario, mise de l’avant entre autres par l’AEFO, est de permettre à leurs élèves d’acquérir le bilinguisme.
En 1974, au moment où éclatent plusieurs conflits scolaires entourant la création d’écoles secondaires publiques de langue française, l’AEFO développe sa philosophie à l’égard de l’école franco-ontarienne. Elle prône que les enfants francophones soient regroupés dans des écoles françaises et que le français soit la principale langue d’enseignement et de communication.
D’autre part, elle réclame le respect du droit pour les catholiques d’avoir accès à l’enseignement religieux de leur choix à l’école élémentaire et secondaire, catholique ou publique. Ces demandes sont appuyées par la majorité des membres, consultés au moyen de divers sondages.
L’école franco-ontarienne de la réussite
Un quart de siècle plus tard, en 1997, au moment où naissent les conseils scolaires de langue française, l’AEFO prépare un document de réflexion, Vers l’école franco-ontarienne de la réussite, qui consacre la primauté accordée à la langue française dans l’identité franco-ontarienne. Ce document définit l’école franco-ontarienne comme une école promouvant la réussite, ouverte et pluraliste, enracinée dans son milieu de vie français et exerçant un leadership culturel au sein de sa communauté.
Nos écoles, notre avenir
En 2006, à l’aube du 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés et du 10e anniversaire de la création des conseils scolaires de langue française, l’AEFO lance un cri d’alarme. Elle s’inquiète de constater que, depuis 1998, l’effectif des écoles de langue française est en baisse constante. Les statistiques indiquent que 30 % des élèves qui auraient le droit de fréquenter l’école de langue française sont inscrits dans les écoles de langue anglaise.
Chaque année, 500 à 600 élèves abandonnent le système de langue française au profit des écoles anglaises. L’AEFO souligne aussi plusieurs enjeux liés d’une part à la francisation des élèves, de plus en plus nombreux à ne pas parler français à la maison, et d’autre part, à l’intégration des communautés ethnoculturelles au sein du système scolaire de langue française.
Le document de réflexion de l’AEFO, Nos écoles, notre avenir, soulève enfin plusieurs enjeux relatifs au modèle de gestion des écoles de langue française, à savoir l’existence de deux systèmes d’éducation parallèles. Certaines personnes parlent du respect des garanties constitutionnelles en matière d’enseignement religieux et de l’importance d’un appui mutuel et respectueux du choix des parents francophones. La plupart des personnes qui participent au débat s’entendent toutefois sur le besoin d’une plus grande collaboration entre les deux systèmes scolaires pour maximiser l’offre de service aux élèves francophones.
Assurer la pérennité de l’école de langue française
Le document Nos écoles, notre avenir a l’effet d’une onde de choc dans le milieu de l’éducation de langue française. Certains intervenants reprochent à l’AEFO de se mêler de choses qui ne relèvent pas de ses responsabilités comme syndicat. L’AEFO réplique n’avoir aucune intention d’abdiquer son rôle de leadership et fait valoir que les emplois et les conditions de travail de presque tous ses membres dépendant de la vitalité et de la pérennité du système d’éducation franco-ontarien.
L’intervention de l’AEFO a eu des répercussions certaines. Tant le gouvernement que les conseils scolaires accordent depuis ce temps une importance accrue au recrutement et à la rétention des élèves et mènent ensemble des initiatives de promotion de l’école de langue française.
Le Groupe de travail permanent EDU-FCU sur le continuum de l’apprentissage en langue française, auquel participe l’AEFO, permet des échanges entre les diverses intervenantes et les divers intervenants du domaine de l’éducation. Alors que l’effectif des écoles de langue anglaise est en chute depuis 2004, celui des écoles de langue française connaît une hausse. Plusieurs nouvelles écoles ont ouvert leurs portes, notamment dans le Sud de la province.
Toutefois, d’importants enjeux subsistent. Consciente de la fragilité des gains obtenus au fil des ans et de la menace constante de l’assimilation, l’AEFO demeure vigilante.