Dans la foulée du Règlement XVII

Une mesure draconienne

gustave lacasse protestation 1917En 1912, le gouvernement conservateur de James P. Whitney adopte le Règlement XVII destiné à abolir l’enseignement en français dans les écoles de l’Ontario. Cette mesure draconienne vise à contenir l’expansion des écoles dites « bilingues » qui se multipliaient avec l’arrivée de migrantes et de migrants du Québec à Ottawa, ainsi que dans l’Est et le Nord-Est ontarien. Ces écoles se caractérisent par l’usage du français comme la langue d’enseignement et de communication. Le Règlement XVII fait de l’anglais la seule langue d’enseignement officielle, interdit les manuels de langue française et oblige les enseignantes et les enseignants francophones à se plier aux normes provinciales en matière de qualification professionnelle. Le gouvernement cherche ainsi à régler une fois pour toutes la question des « écoles bilingues » décriées par la majorité anglophone qui voit l’apparition de ces institutions dans le paysage scolaire comme la concrétisation d’une French Invasion qui menace le caractère britannique et protestant de l’Ontario.

Une résistance surprenante

manifestation ecoliers ottawa 1916Contre toute attente, le Règlement XVII est chaudement contesté par les élèves, les enseignantes et les enseignants, les parents, les conseillères et les conseillers scolaires et la population franco-ontarienne en général qui refusent de se plier à la Loi.

Dans les régions où les francophones sont majoritaires, le corps enseignant n’hésite pas à défier le gouvernement et à pratiquer la désobéissance civile pour défendre le principe de l’éducation de langue française en Ontario.

Les institutrices en particulier jouent un rôle central dans la résistance au Règlement XVII en bravant les interdits de la Loi pour continuer à enseigner en français.

jeanne lajoieDe 1923 à 1926, une jeune enseignante, Jeanne Lajoie, surnommée la « Pucelle de Pembroke », défie la commission scolaire locale en enseignant en français dans une école indépendante : l’école libre de Pembroke. Pendant trois ans, elle y accueille une cinquantaine d’élèves et consacre ses étés à recueillir des fonds pour l’école.

Pour en savoir plus, consultez cet article tiré de la revue de la Société franco-ontarienne d’histoire et de généalogie, Le Chaînon, Volume 27, Numéro 2, Printemps 2009.

manifestation ecoliers brebeuf 1916Pour avoir désobéi à la Loi, la Commission des écoles séparées d’Ottawa est privée de ses subventions et le personnel enseignant se trouve pratiquement sans salaire. Des « écoles libres » sont mises sur pied, comme à Green Valley et à Pembroke, où le français est enseigné grâce aux sacrifices des enseignantes et des enseignants qui, sans les subventions de l’État, ne peuvent recevoir de salaires décents. Malgré toutes les difficultés dont ils sont les victimes, les enseignantes et les enseignants portent à bout de bras la survie du système scolaire francophone jusqu’à ce que les forces en présence tentent de parvenir à un compromis.

Ainsi, au terme de ce conflit, en 1927 les enseignantes et les enseignants héritent d’une conscience politique aigüe et de la conviction que la lutte pour la survivance repose en partie sur leurs épaules.

Un moment charnière pour la profession enseignante

La lutte contre le Règlement XVII marque en quelque sorte le début de la trame historique de l’AEFO, bien que sa fondation ne survienne officiellement qu’une génération plus tard. Cette crise a constitué un rite de passage pour les enseignantes et les enseignants qui ont joué un rôle politique et moral pour défendre le droit à l’enseignement en français. Elle a renforcé leur identité sociale et professionnelle et leur a fait prendre conscience qu’ils constituaient un pilier de la société franco-ontarienne, dont la vocation était intimement liée au combat pour assurer l’avenir culturel de cette collectivité.

guardiennes guigues ottawa 1916Née de la contestation et de la lutte, l’AEFO a incarné, à partir de la fin des années 1930, une nouvelle voix qui cherchait à se faire entendre, celle des enseignantes et des enseignants franco-ontariens, aux côtés des élites traditionnelles de l’époque, le clergé catholique et la petite bourgeoisie libérale déjà engagés dans la sauvegarde et la promotion de l’école bilingue.

Pour en savoir plus sur le Règlement XVII, consultez l’exposition virtuelle du Centre de recherche en civilisation canadienne-française.