Négociation et gestion des conventions collectives
Des débuts timides
À ses débuts en 1939, l’AEFO poursuit essentiellement des objectifs de nature pédagogique. Même si en 1945 elle se fixe comme objectif « secondaire » d’améliorer « la situation matérielle de ses membres », l’AEFO se contente d’inciter ses membres à faire reconnaître par leurs commissions scolaires l’échelle de salaires qu’elle préconise et d’envoyer des lettres de « félicitations » aux commissions scolaires qui accordent des augmentations à leur personnel enseignant.
C’est au congrès de 1952, suite à la démission en bloc des enseignantes et des enseignants de Sudbury, que l’AEFO annonce que désormais les membres pourront compter sur leur association dans la négociation d’une échelle de salaires avec leurs commissions scolaires respectives. En outre, elle décide de travailler de concert avec l’Ontario English Catholic Teachers’ Association (OECTA) pour fixer une échelle de salaires commune dans les endroits où les membres des deux associations enseignantes travaillent pour une même commission scolaire.
En 1954, on inclut dans les constitutions une section traitant de la procédure à suivre dans les cas de revendications salariales. La tâche de négocier incombe toutefois aux unités à l’échelon local.
Surtout, pas question de mesurer les heures de travail, ce qui amènerait à considérer la profession enseignante comme un métier. Comme c’est le sentiment général à l’époque, l’AEFO considère l’enseignement comme une « noble profession » qui exige « loyauté et dévouement ».
Extrait du procès-verbal d’une réunion de l’AEFO tenue à Timmins, le 12 février 1955
Les heures de travail des hommes de profession ne peuvent être déterminées par un code de lois qui feraient d’eux des hommes de métier. Il serait difficile de dresser une liste de devoirs professionnels et de travaux non professionnels d’autre part. Préciser et déterminer par des textes de loi dans ce domaine pourrait avoir comme résultats :
- de restreindre le dévouement de ceux qui ne mesurent pas le travail au salaire;
- d’obtenir de moins en moins de ceux qui ne sont pas portés au dévouement.
Négocier : un rôle partagé
Pendant longtemps, la responsabilité de négocier les conventions collectives relève exclusivement, ou presque, des unités. C’est que la Loi sur les relations de travail en éducation prévoit que les négociations se déroulent strictement à l’échelon local.
Des exemples de documents produits dans le cadre des négociations par une unité de l’AEFO à Sudbury : un bilan et une chanson pour rallier les troupes.
Suite à l’obtention du droit de grève en 1975, les choses commencent à changer. L’AEFO forme alors un comité sur les relations de travail. Elle organise des ateliers provinciaux et locaux pour préparer ses membres à la négociation et demande à son secrétaire général de consacrer la majeure partie de son temps à la négociation.
Elle crée aussi le Bureau de consultation en négociations (BCN) qui, pendant longtemps, jouera un rôle capital pour établir les priorités de l’AEFO en matière de revendications contractuelles.
C’est à cette période également que l’AEFO décide d’utiliser sa caisse de réserve tout spécialement pour appuyer les revendications salariales, l’amélioration des conditions de travail et la défense de droits de ses membres. Cette transformation se confirme en 1978 quand l’AEFO redéfinit ses buts pour accorder la priorité à la protection et la sécurité de ses membres.
À partir de ce moment, le bureau provincial joue un rôle de plus en plus important pour la préparation des négociations et le soutien aux équipes des unités. Il appuie aussi activement les unités qui se trouvent en situation de grève. Dans la majorité des unités toutefois, les équipes de négociation continuent d’être composées exclusivement d’enseignantes et d’enseignants bénévoles.
La création des conseils scolaires de langue française en 1997, et la réduction subséquente du nombre d’unités de l’AEFO (de 111 à 12), renforce encore davantage le rôle du bureau provincial dans les relations de travail. Le changement entraîne aussi la professionnalisation des fonctions liées à la négociation et la gestion des conventions collectives.
Les comités de négociation locaux sont appuyés par des personnes rémunérées par l’AEFO au sein des unités, avec le soutien du personnel en relations de travail du bureau provincial.
Peu après leur création, les conseils scolaires de langue française commencent à se concerter en ce qui touche les négociations collectives. L’AEFO doit composer avec cette nouvelle réalité. Elle organise les premiers sondages provinciaux en négociation dans le but d’identifier des revendications communes. Elle offre aussi une formation plus avancée à ses équipes de négociation, pour se préparer à participer à un processus de négociation centralisée.
La lutte pour la parité salariale
Pendant toute l’année 2004, l’AEFO mène une véritable offensive en prévision de l’échéance des conventions collectives le 31 août de cette année. Objectif : rétablir la parité salariale entre le personnel des écoles de langue française et celui des écoles de langue anglaise. Un écart important s’était en effet creusé lors des négociations précédentes, les conseils scolaires de langue française ayant refusé de rouvrir les conventions collectives qui venaient d’être signées pour que leur personnel puisse bénéficier des fonds additionnels consentis tardivement par legouvernement conservateur. L’objectif sera atteint pour les conventions collectives 2004-2008.
Le 15 mai 2004, quelque 2 000 membres de l’AEFO descendent dans la rue dans diverses villes de la province pour manifester leur mécontentement d’être moins bien payés que leurs homologues anglophones. Leur slogan : « Enseigner à rabais, plus jamais! »
De nouveaux défis
À partir de 2004, l’adhésion à l’AEFO de groupes de personnel professionnel, administratif et de soutien et de travailleuses et travailleurs d’autres établissements de langue française crée de nouvelles exigences.
Le personnel de l’AEFO doit se familiariser avec les besoins particuliers de membres qui ne sont pas des enseignantes et des enseignants, ainsi qu’avec des conventions collectives passablement différentes. À la base toutefois, le travail demeure le même : négocier les meilleures conditions possibles pour ses membres et s’assurer ensuite que les conventions collectives soient respectées par l’employeur.
Vers des négociations provinciales en éducation?
Pendant 20 ans, suite à l’adoption en 1975 de la Loi sur les relations de travail en éducation, les négociations dans le secteur scolaire se sont faites uniquement à l’échelon local. Chaque conseil scolaire négociait avec les syndicats qui représentent ses divers groupes de personnel.
Le gouvernement Harris apporte les premiers changements en 1996, en plaçant les négociations du secteur scolaire sous la Loi sur les relations de travail de l’Ontario. À ce même moment, il retire aux conseils scolaires le droit de percevoir une taxe scolaire. Dorénavant, le financement de l’éducation est entièrement alloué par la province, ce qui limite la marge de manœuvre des conseils scolaires lors des négociations.
La création des conseils scolaires de langue française en 1997 entraîne la tenue, dès l’année suivante, de négociations centralisées entre l’AEFO et les 12 conseils scolaires.
Le gouvernement libéral de Dalton McGuinty modifie la façon de négocier, sans toutefois modifier la Loi qui prévoit toujours des négociations strictement à l’échelon local. D’abord en 2005, puis en 2008, des Tables provinciales de négociation réunissent des représentantes et représentants de l’AEFO, des conseils scolaires et du gouvernement. Les négociations à ces Tables tripartites servent à établir des paramètres communs touchant les salaires et certaines conditions de travail. La négociation se poursuit ensuite à l’échelon local.
En 2008, ce processus de négociation, permet d’obtenir des augmentations salariales de plus de 12 % sur quatre ans pour le personnel scolaire, le gouvernement ayant indiqué son intention de financer de telles hausses pendant les discussions à la Table provinciale.
Il en va tout autrement lors des négociations de 2012. Cette fois, le gouvernement convoque les parties à une Table provinciale en indiquant au départ son intention de geler les salaires et de modifier le régime des congés de maladie. Après des mois de négociations pénibles, l’AEFO conclut une entente, mais seulement avec le gouvernement provincial. Par la suite le gouvernement impose cette entente aux conseils scolaires. Du jamais vu!
Force est de constater que, depuis 2005, les négociations en éducation ont tranquillement pris l’allure de négociations provinciales telles qu’on les connaît dans plusieurs provinces canadiennes, notamment au Québec et au Nouveau-Brunswick. Toutefois, cette nouvelle façon de faire n’est pas inscrite dans la Loi.
Les syndicats d'enseignement, dont l’AEFO, ont donc exigé que le processus de négociation soit précisé et officialisé avant le début des prochaines négociations en 2014. Le gouvernement a déposé en octobre 2013 le projet de loi 122 dont l’objectif était de fixer un nouveau cadre pour les négociations du personnel scolaire.
Le projet de loi 122 a été adopté en avril 2014.